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Page:Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917) T.1.pdf/424

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mémoires du maréchal joffre

venait d'être prise. Je fis aussitôt appeler le général de Castelnau au téléphone. Ce souvenir est d'autant plus précis dans ma mémoire qu'il m'est arrivé très rarement de téléphoner moi-même au cours de la campagne. Le commandant de la 2e armée me fit un tableau très noir de la situation de son armée : il y avait eu de graves défections dans un de ses corps d'armée ; des troupes s'étaient débandées. "Si je reste sur mes positions, ajoutait-il, je sens que mon armée est perdue. Il faut envisager mon repli immédiat derrière la Meurthe."

— "N'en faites rien, lui répondis-je. Attendez vingt-quatre heures. Vous ne savez pas dans quel état se trouve l'ennemi. Peut-être n'est-il pas dans une situation plus brillante que vous. Vous ne debez pas abandonner le Grand-Couronné, et je vous donne l'ordre de rester sur vos positions".

Puis je fis partir immédiatement le commandant Bel avec mission de confirmer au général de Castelnau l'ordre que je venais de lui donner de vive voix, de surseoir à l'exécution de la retraite qu'il se préparait à entamer, et de tenir coûte que coûte en avant de Nancy.

Il se trouva, par surcroît, que si la butte Sainte-Geneviève avait été évacuée, c'était le fait non de l'ennemi mais d'une fausse manœuvre. Cette position fut aussitôt réoccupée. Les attaques allemandes diminuèrent peu à peu de violence à partir de ce jour et le 11 septembre, l'ennemi abandonnant son entreprise sur Nancy, au moment où s'achevait notre victoire de la Marne, marqua en Lorraine un repli sensible qui s'accentua les jours suivants.

Quant au général Dubail, pendant toute cette période il a conservé une confiance inaltérable, son moral n'a jamais faibli, et il a toujours ponctuellement exécuté mes ordres.


Revenons aux armées de gauche que nous avons laissées le 7 au soir orientées par la directive que je leur avais envoyée.

Le 8, le général Maunoury se trouva aux prises avec un ennemi qui s'était encore renforcé au cours de la nuit, et qui, par une manœuvre hardie, s'efforçait de reconquérir