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Page:Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917) T.1.pdf/438

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la bataille de la marne

Ire et IIe armées allemandes, l'autre entre les IIe et IVe, la IIIe armée s'étant elle-même brisée en deux tronçons qui s'étaient accolés respectivement à la gauche de Bülow et à la droite du prince de Wurtemberg. De cette situation imprévue, nous avions tiré parti ; et ce fait confirme ce que je disais plus haut, combien est dangereuse la doctrine qui consiste à abandonner aux exécutants la conduite stratégique de la bataille.

D'une part, si on compare la bataille de la Marne à celle des frontières, on voit qu'elles sont étroitement apparentées. Si, sur l'Ourcq, Maunoury avait fléchi comme le firent nos armées de gauche le 22 août, si Foch avait cédé à Fère-Champenoise comme cédèrent, d'Audun-le-Roman à Paliseul, nos 3e et 4e armées, mon plan se fût écroulé une seconde fois. Si le succès répondit à mon attente sur la Marne, c'est pour une très grande part que nos armées n'étaient plus au début de septembre celles des premiers jours de la guerre. Instruite par la dure expérience des batailles livrées à la frontière, l'infanterie, bien qu'ayant perdu beaucoup de ses cadres, utilisait mieux le terrain, se servait plus volontiers de ses outils dont elle comprenait maintenant la valeur, et ne s'engageait plus sans l'appui de l'artillerie. Il est vrai aussi que beaucoup de chefs dont la guerre avait brusquement révélé l'insuffisance avaient cédé la place à d'autres plus capables : de la mobilisation du 6 septembre, j'avais dû relever deux commandants d'armée[1], neuf commandants de corps d'armée[2], trente-tois généraux commandants de divisions d'infanterie[3], un commandant de corps de cavalerie et cinq généraux commandants de divisions de cavalerie[4]. Si je n'avais pas été jusqu'aux mesures radicales

  1. Les commandants des 3e et 5e armées.
  2. Sur vingt et un corps d'armée.
  3. Vingt-trois généraux commandants de divisions actives sur quarante-sept (y compris les deux divisions coloniales) et dix généraux commandants de divisions de réserve sur vingt-cinq.
  4. Cinq généraux commandants de divisions de cavalerie sur dix.