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mémoires du maréchal joffre

organisés avec cette ampleur. Pour ma part, j'y attachais la plus grande importance. Ils ont servi à serrer les réalités de la guerre d'aussi près qu'il est possible en temps de paix, malgré toutes les déformations qu'une longue période de paix imposent toujours à l'esprit militaire. A mes yeux leur importance s'accroissait du fait que les relations continuelles entre les membres du Conseil supérieur de la guerre et leurs états-majors se développaient sans cesse. Les contacts journaliers entre les officiers appartenant au comité technique d'état-major, à l'état-major de l'armée, au Centre des Hautes Études, à l'École de guerre ont été éminemment fructueux. Ils ont contribué à créer entre ces divers organes l'unité de vues indispensable. Et surtout, ce travail a préparé le bon fonctionnement des états-majors d'armée au début de la guerre. Il ne faut pas oublier, en effet, que si le commandement des grandes unités s'est parfois révélé, au début, inférieur à sa tâche, si des défaillances morales se sont parfois produites chez ceux qu'en temps de paix nous jugions dignes de commander nos armées, par contre les états-majors d'armée et de corps d'armée ont admirablement satisfait à des situations souvent très difficiles ; c'est à leur travail, à leur savoir professionnel, à leur exacte préparation, à leur rôle que nous devons de n'avoir pas vu se transformer en désastres les insuccès des premiers jours.

Pour donner une idée de l'intensité du travail ainsi fourni, je dirai que dans les seuls six premiers mois de 1914, les exercices d'armée sur la carte dirigés par les membres du Conseil, les généraux de Castelnau, de Langle, Lanrezac, Ruffey, Dubail, Sordet avaient, en soixante-dix séances d'étude, réuni, outre les états-majors directeurs, dix professeurs de l'École de guerre et trente officiers de l'état-major de l'armée ; la préparation des manœuvres avec cadres de groupes d'armées faites sous ma direction avait amené des relations constantes entre les membres du Conseil, chefs de parti, commandants d'armée ou directeurs de l'arrière, leurs états-majors et un assez grand