Aller au contenu

Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/354

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dit notre bon La Fontaine, le soir d’un beau jour. Vous savez combien ces vœux, que je répète tous les jours, sont vrais et sincères. Je ne puis vous rendre le plaisir, le transport que m’a causé la nouvelle de votre arrivée à Philadelphie, que m’a apportée un ami de M. Jefferson. Je l’ai envoyé dire, sur-le-champ, à nos amis d’Auteuil.

» Je les ai quittés depuis cinq à six jours, après avoir passé, auprès de Notre-Dame, trois semaines pendant lesquelles l’abbé de Laroche avait été faire un voyage en Normandie. J’y retourne ces jours-ci, et nous allons bien parler de vous et de notre joie de voir que vous vous soyez mieux porté pendant la traversée qu’en terre ferme. Vous aurez su qu’on disait, dans tous les papiers publics, que vous aviez été pris par un corsaire algérien. Je n’en ai jamais rien cru ; mais il y avait peut-être en Angleterre des gens qui, pour la beauté du contraste, auraient été bien aises de voir le fondateur de la liberté de l’Amérique esclave chez les Barbaresques. Cela eût fait un beau sujet de tragédie dans vingt ou trente ans d’ici ; vous auriez eu un fort beau rôle. Et n’avez-vous pas quelque regret d’avoir manqué une si belle occasion d’être un personnage tragique ? Il faut pourtant vous passer de cette gloire.

» On nous a dit que vous aviez été très-bien reçu, et que vous aviez eu tous les huzzas du peuple. Ce sont là des dispositions fort bonnes et fort justes ; mais, pour le bien de votre pays, il faut