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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/62

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crétaires d’état sous Henri III, Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, encore écolier, pensait déjà à devenir ministre, et paraissait sûr de l’avenir. Il avait une grande application ; étudiant la théologie comme un Hibernois, pour être évêque, et les Mémoires du cardinal de Retz, pour être homme d’état ; lisant avec avidité tous les bons livres, s’en nourrissant avec tout ce que l’esprit lui donnait de discernement, mais avec peu de ce qu’on appelle goût, don de la nature, qui lui a toujours manqué ; d’ailleurs facile à vivre, point dénigrant, point jaloux ; dépensier et généreux, quoiqu’alors fort peu riche, mais, comme tous les abbés de condition, appelés aux bénéfices et à l’épiscopat, se tenant assuré de payer un jour ses dettes par son mariage, comme on disait, avec une église bien dotée. Il avait une telle ardeur de se distinguer dans la carrière, que, pris d’un grand mal de tête la veille du jour où il devait soutenir sa thèse, appelée majeure, il envoya chercher un chirurgien, se fit tirer trois palettes de sang, mit sur les bancs le lendemain à sept heures du matin pour en sortir à six heures du soir, répondant à tout venant et fort bien. Il fut prieur de la maison à la seconde année, M. Turgot l’ayant été l’année précédente, et il obtint le premier lieu de la licence, sans qu’on put dire qu’il ne l’avait pas mérité, quoiqu’il eût d’assez redoutables rivaux.

Après sa licence, il fut fait grand-vicaire de l’archevêché de Rouen ; mais conservant toujours