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se convainquit peu à peu que l’être masculin qui s’allongeait dans cette guérite d’un nouveau genre, n’était autre qu’un mannequin.

Jugez si l’imagination de la dame se mit à battre la campagne !

Qu’était-ce que cet homme de bois ? à quoi diable une princesse pouvait-elle l’utiliser ? N’avait-elle pas assez de courtisans et de valets, en chair et en os, sans en acheter en bois, ou en caoutchouc ?

Bref, elle voulut en avoir le cœur net et s’armant d’une pince, elle enleva la planche déjà disloquée, ce qui fit tomber le couvercle en entier. Oh les femmes !

Par ma foi ! c’était un bien bel homme ! un très bel homme !

Tête brune, aux fines moustaches, yeux flamboyants, crinière frisée, lèvres ardentes, dents d’émail.

Le corps gracieusement modelé revêtu d’un costume de seigneur du moyen âge, rappelait à la fois, l’Antinoüs et l’hercule Farnèse.

Notre jeune gaillarde était femme de goût et presque sans songer à mal, elle devint comme Pygmalion, amoureuse de la statue.

Avouons, pour l’excuser, que son mari était un vieux soudard à trogne enluminée, bête comme son képi et borgne de l’œil droit.