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examinant, avec l’allure d’un connaisseur, les formes sculpturales du graveur.

Celui-là, qui était le préféré (un gaillard disait-on), n’avait que son burin pour vivre. Comme il était très élégant, avait toujours quelques louis en poche, on supposait qu’il mangeait aussi du chocolat de l’Espagnol.

La baronne était si pieuse, et faisait si souvent des visites de charité à ce pauvre isolé !

Le numéro trois était, dit-on, le curé de la paroisse… mais chut ! c’est probablement une méchanceté. La baronne était dévote, elle quêtait à la porte de l’église, et quel mal y avait-il lorsqu’elle rapportait son butin que l’on embrassât les blanches mains qui avaient si bien porté la bourse.

La baronne eut pu couler des jours heureux, s’il n’y avait eu un point noir dans son existence… Ses filles, qu’en faire ? l’aînée, Laure, était déjà trop grande pour rester en pension ; la faire revenir était impossible. Que dirait Don José et le beau graveur ? La marier était bien difficile, sans dot ! Je l’ai dit, la dame n’était pas riche.

— Enfin le ciel viendra à mon secours, se dit-elle en levant ses beaux yeux vers lui.

Comme l’été était venu, que Don José était