Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/129

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et elles nous imposent leur choix sans nous consulter. Ce choix est rarement d’accord avec nos convenances sociales : ce n’est pas leur faute, elles ne connaissent que les convenances physiologiques.

Les romanciers ont tort de croire que l’amour a été inventé pour le bonheur ou le désespoir des amants : qu’importent nos peines et nos joies à la grande Isis ? Elle ne s’intéresse qu’à l’espèce, et ne s’inquiète pas des individus. Pourquoi n’aurait-elle pas comme nous ses haras et ses concours d’animaux reproducteurs ? La volupté est un hameçon qu’elle nous jette ; c’est un but pour nous, c’est un moyen pour elle. Le poisson saisit l’appât et croit travailler pour son compte ; il ne comprend que quand il est dans la poêle à frire. Alors, il dit : si j’avais su ! Il ment : il aurait beau savoir, il recommencerait.

La sélection ne se raisonne pas : c’est électrique. Il y a des femmes qu’on estime, d’autres pour qui on se brûle la cervelle. L’implacable désir nous traîne par les cheveux ; nous nous roulons aux pieds de quelque odieuse idole, et, quand elle nous a broyé le cœur, nous lui demandons