Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans cela, auraient peut-être tourné au bien ? Elles en corrompront d’autres à leur tour, et la chaîne du mal se prolongera, d’anneaux en anneaux, dans l’indéfini des temps. Quand le coupable sera devenu un saint, quand il croira entrer au paradis de sa conscience régénérée, il entendra la voix des mauvais souvenirs, et il verra passer des ombres qui l’accuseront devant l’éternelle Justice. Trouvera-t-il alors l’immortalité si désirable, et te semble-t-il toujours que les Dieux ont eu tort de garder leur secret ?

L’Homme. Ne parlons plus de moi : les Dieux savent ce qu’ils ont à faire. Que l’espoir du néant reste comme un refuge contre l’éternité du remords. Mais j’ai connu des âmes immaculées, qui brillaient dans notre ciel noir comme des étoiles. Si vous permettez à la mort de les éteindre, le regret ne sera pas seulement pour ceux qui les pleurent, mais pour vous-mêmes, dieux impassibles, car il y aura une lacune dans votre œuvre, et il manquera quelque chose à sa beauté.

Le Dieu. Suppose donc alors que celles-là seules seront immortelles ; mais n’oublie pas que leur lumière, dégagée des liens du corps, lira