Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/170

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dans toutes vos consciences. Ces âmes pures ne voyaient pas le mal : elles cherchaient pour vous des excuses, et croyaient toujours les trouver. Maintenant leurs regards attristés vous verront tels que vous êtes, et leurs chères illusions ne peuvent plus revenir. Si parmi ceux qu’elles aimaient il y en a qui demandent au néant, comme tu l’as dit tout à l’heure, un refuge contre le remords, quel vide va se faire autour des justes, et qu’ont-ils besoin d’une immortalité bienheureuse s’ils ne la partagent pas avec ceux qu’ils ont aimés ? Plutôt que de briser à jamais des liens indissolubles, eux aussi demanderont au néant la paix de l’éternel oubli.

L’Homme. Alors, ô Démon, il n’y a place ni pour l’espérance ni pour la prière. Nous avons raison de pleurer nos morts ; ils ne peuvent plus nous entendre, et nous ne les reverrons jamais. Qui donc nous conduira dans les carrefours ténébreux de la vie, qui nous tendra la main dans les rudes sentiers de l’ascension ? Nous les invoquions avec confiance, ces amis indulgents qui pardonnent toujours, parce qu’ils ont souffert comme nous. Il nous semblait qu’eux seuls pouvaient adoucir les immuables décrets des grands