Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/215

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— À quoi bon, mère ? Gardez vos espérances, si elles adoucissent vos regrets. Quant à moi, vous le savez, je ne crois qu’aux lois inflexibles de la nature, et malheureusement la mort est une de ces lois. Ne me forcez pas à souffler sur vos rêves ; il a pu m’arriver quelquefois d’opposer les graves arguments de la raison à cette consolante mythologie, mais ce n’est pas en présence de la mort qu’on discute la douce chimère de l’immortalité.

— Et de quoi parlerions-nous, Pierre, si ce n’est de notre douleur commune ? Ni toi ni moi ne pouvons penser à autre chose qu’à celle qui vient de nous quitter. Si, comme je le crois sincèrement, elle est là qui nous écoute, elle voit combien nous l’aimions l’un et l’autre, et peut-être, par des voies inconnues, m’inspirera-t-elle la force de te persuader.

— Ah ! pauvre bonne mère, si nos morts pouvaient nous répondre, il y a longtemps qu’ils auraient dissipé nos angoisses, car ce n’est pas pour nous que nous essayons de croire à une autre vie. Sans notre ardent désir de les revoir, qui voudrait recommencer au delà du tombeau ? C’est bien assez d’une fois. Pour moi,