Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/216

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je suis las, j’ai soif du sommeil éternel, et sans me croire plus mauvais qu’un autre, je sais bien que je ne vaux pas la peine d’être conservé.

— Et ton enfant, Pierre ?

— Vous resterez près de lui, et s’il pleure son père et sa mère, vous lui persuaderez qu’il les retrouvera.

— Je suis bien vieille, et quand je serai partie à mon tour, qui sera là pour lui dire : « Chaque fois que tu fais quelque chose de mal, il y a quelqu’un qui te voit et qui pleure ; quelqu’un que tu aimais bien, et qui t’aimait bien. » Dis-moi, Pierre, n’est-ce pas la pensée des morts qui nous conduit, qui nous préserve, qui nous éclaire ? Sans leur souvenir et leurs exemples, qui donc nous soutiendrait dans les luttes de la vie ? Il y a bien des précipices et des fondrières, le long de ce rude sentier de l’ascension. Mais nous évoquons nos morts, et ils nous tendent la main. Tu sais, Pierre, que personne n’est sûr d’être toujours au-dessus de toutes les épreuves ; s’il te vient un jour la tentation de faire une chose que tu regretterais plus tard d’avoir faite, tu te diras : « Que me conseillerait-elle,