Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/217

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si elle était ici près de moi ? » et en effet, alors, elle y sera.

— Hélas ! C’est de la poésie, cela, bonne mère. Les morts n’existent plus que dans notre mémoire, et nous avons raison de les pleurer.

— Est-ce que tu sais ce que c’est que l’existence ? On ne le dirait pas, car tu parais la confondre avec la vie, cette chose mobile, fugitive et changeante que, dans la langue de tes philosophes, on appelle, je crois, le Devenir. Qu’y a-t-il de commun entre l’enfant que tu étais autrefois, l’homme que tu es aujourd’hui et le vieillard que tu seras demain ? Les éléments de ton corps se renouvellent, les traits de ton visage changent avec les années ; tes sentiments et tes idées, tes craintes et tes espérances ne sont plus les mêmes, et sans la mémoire, si tu revoyais ton passé, tu ne te reconnaîtrais pas. Mais quand la vie s’est envolée, la mort nous fait entrer dans l’existence immobile ; elle la compose de toutes nos actions, bonnes ou mauvaises. Ce que nous avons été dans la vie, nous le serons à jamais dans le souvenir des vivants.

— Mon fils est si jeune, qu’il oubliera bien