Page:Ménard - Rêveries d’un païen mystique, 1911.djvu/218

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vite. Je ne me souviens plus de mon aïeul, qui est mort quand j’avais cet âge-là. Le pauvre petit n’a pas eu le temps de connaître sa mère ; il n’aura pas cette protection bienfaisante du souvenir.

— Celle qui aurait veillé sur lui si elle avait vécu se servira de nous pour le guider dans la vie. N’est-ce pas à elle que tu penseras chaque fois que tu donneras un conseil à cet enfant ? Quant à moi… voyons, Pierre, laisse-moi le bercer avec ce que tu appelles mes contes de vieille femme. Ce que je lui dirai, elle le lui aurait dit, j’en suis sûre, si tu étais parti le premier. Les femmes savent parler aux enfants la seule langue qu’ils puissent comprendre. Plus tard, tu lui expliqueras la loi austère du devoir, et il recevra tes leçons sans rejeter les miennes. Les premières fleurs qui ont germé sur le sol vierge de la conscience laissent un parfum qui ne s’évapore jamais. Tu sais que tous les hommes, même les meilleurs, peuvent être arrêtés par le doute dans les carrefours de la vie. La nuit est si noire qu’on cherche au ciel une étoile. Ton fils traversera comme les autres ces heures mauvaises où tout nous abandonne. Ne veux-tu