Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/109

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embarrassés. Il y avait, tout juste, trois orateurs, dont moi-même qui n’étais guère brillant.

Marcel Sembat permit de rétablir la situation.

Je parlai après lui, fort mal. Quand la réunion fut terminée, Sembat vint vers moi :

— Vous êtes le fils du sénateur du Var ?

— Je le suis.

— Et libertaire ?

— Libertaire et révolutionnaire !

— C’est très bien, ça… Mais pourquoi n’entrez-vous pas dans le Parti ?

Le Parti… le Parti… On en disait tant de mal… des farceurs, des arrivistes, des politiciens (toujours le même vocabulaire). Cependant je songeais qu’un parti qui comptait, dans ses rangs, un homme comme Marcel Sembat !… Et je devais me décider à adhérer quelques mois après sous l’influence de Gustave Hervé (n’est-ce pas que c’est drôle ?), à la quatrième section[1].

Sembat, c’était, dans le monde politique, une exception. Il est assez rare de rencontrer, dans ce monde-là, un lettré et un artiste. Il y avait bien, à son époque, Maurice Barrès, Charles Benoit, Maurice Couyba, Jaurès, Pelletan, quelques autres, peu nombreux. Mais Sembat brillait surtout par son indépendance d’esprit, par la sûreté de son goût. Il n’était pas seulement révolutionnaire en politique ; il l’était aussi en art. Il professait une vive admiration pour Gustave Kahn et se pâmait devant Gauguin ou Matisse. Un jour que je disais du mal

  1. Voir le chapitre : Une section insurrectionnelle.