Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/223

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passer une nuit affreuse, traversée de cauchemars, ensemencée d’images gluantes. Je regarde l’homme qui me parle. C’est mon vieil ami, le chauffeur, mon ravisseur complice de Juliette. Où va-t-il me conduire encore ?

En un clin d’œil, je suis prêt. Des couloirs, des couloirs… des escaliers. Et soudain le ciel sur ma tête, la lumière, du vent dans le visage, l’air de la liberté… De grands arbres m’entourent, me tendent leurs branches fraternelles…

— Montez !

L’homme vient de me pousser dans une voiture et il referme la portière, brusquement, sans un mot. Nous filons. J’essaie de voir à travers les glaces opaques. Vainement. Je ne distingue rien du paysage brouillé qui danse éperdument et saute comme un cabri.

Arrêt brutal. Le chauffeur m’aide à descendre :

— Vous êtes libre, monsieur.

Je demeure planté au milieu de la route, désemparé, ne sachant plus, m’efforçant de rallier mes idées. Je balbutie :

— Et… le Maître ?…

— Vous aurez bientôt de ses nouvelles.

Il saute sur le siège. Je n’ai pas le temps de risquer un geste. L’auto est déjà loin.

Où suis-je ? Le voyage n’a pas duré longtemps. M’a-t-on abandonné en pleine cambrousse, hors des villes, histoire de dérouter mes recherches. Je tâte mes poches. Je trouve mon portefeuille intact. Parbleu ! Ugolin n’est pas un voleur. Néanmoins, je respire. Et je m’ébroue. Allons ! en route.