d’Éternité et quelques minutes après, sous forme d’imperceptible nuée, elle partait pour le grand voyage. Les éléments arbitrairement associés qui entraient dans son âme, libérés et purifiés, voguaient à la recherche de nouvelles combinaisons malsaines.
Durant des années et des années, Ugolin lutta contre la putridité d’un siècle vaincu. L’ancien continent se courba assez promptement sous son sceptre. Il assujettit la Perse, la Chine, le Japon, les colonies africaines. Puis il se tourna vers l’Amérique. Il considérait le Nouveau Monde, ainsi qu’on disait alors, comme le refuge de la barbarie, développée par un machinisme outrancier et mangeur de consciences. En ces régions, l’individu n’était plus que l’esclave de la Mécanique et le courtisan du Dollar. Ugolin s’épuisa à dompter cet utilitarisme où, par une déconcertante bizarrerie, traînaient de louches superstitions et les plus grossiers fanatismes. Les hécatombes furent monstrueuses. Ugolin en usa avec les enfants des États-Unis comme avec de simples Indiens.
Trois quarts de siècle s’estompèrent. Je respire tout ce passé qui se disperse parmi les révoltes, les combats, les répressions, les misères, les deuils. Mon esprit dérape. Sombres évocations ! Les cités s’écrasaient comme des escargots sous le talon du promeneur. La Mort qu’on allait museler s’en donnait à cœur joie avant de rendre les armes.