Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/31

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féroce et tyrannique, escorté de ridicules souffrances. L’Amour ne se conçoit plus, aujourd’hui, qu’à la façon d’un frottement combiné avec art par deux créatures friandes de tortillements fugitifs. Échange savant de sensations fouillées et cueillies avec discernement. Prétexte à semer la vie… Après tant d’autres élues, j’ai choisi Judith, pour sa saine robustesse, sa sveltesse, la limpidité de sa chair. Le sang chaud du désir court dans ses veines, sous la transparence de la peau. Elle m’offre son corps comme un paysage toujours inédit où je découvre, inlassablement, des coins déjà explorés et, cependant, imprévus, des touffes d’ombre satinées, des replis où se glisse le poison de la volupté. Frêle objet de joies, instrument vibrant sous les appels de mes doigts, sensible à la mélopée des caresses, elle se plie, s’étire, s’abandonne ou se rue avec fougue… Mais ce que je traque en elle, faut-il le dire ? c’est le souvenir… un souvenir lointain et vague, qui, par instants, sous l’effet d’un geste, d’un soupir, d’un murmure, ressuscite une autre femme, une femme si peu semblable à Judith et, pourtant, si semblable !… Je les imagine calquées l’une sur l’autre et, paupières closes, leurs deux images s’associent pour me confondre.

L’autre était blonde et Judith arbore une chevelure de nuit profonde comme un gouffre. Mais le grain de la peau est le même et aussi l’ondulation des hanches… Je retrouve les globes lumineux des seins, les pilastres de marbre rose des cuisses à la courbe puissante et, surtout, la callipygie, l’attirante et mouvante callipygie qui rebondit orgueilleusement sous la cambrure des reins !… Suggestion ? Phénomène de la mémoire ?… Transposition ?… Car, enfin, Judith ne possède ni la voix aux inflexions narquoises,