Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/35

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les brutes ! les ténébreuses brutes ! Imaginez que certains sociologues, timides et prudents, s’enhardissaient jusqu’à proclamer que la maternité devait demeurer libre, et qu’on jetait dans les geôles ces ennemis de la cité, coupables de vouloir réglementer les parturitions. Imaginez que de sévères, d’implacables moralistes — hautes et pures consciences — après avoir durement condamné l’avortement, l’adultère, la prostitution, se hâtaient, le soir venu, vers l’hospitalité nocturne de quelque Thélème à gros numéro. Là, on pouvait les contempler, hideux et grotesques, vomissant leur champagne, prosternés devant le nombril d’une hétaïre desséchée, parmi l’odieux chiqué des contorsions simulées et des vapeurs d’ipécacuana.

Nous pouvons, Judith, nouer nos chairs et mêler nos sueurs. Nous disposons librement de nos corps comme de nos âmes. Tu seras mère à ton gré, à ton heure. Te voilà sortie de l’abîme où mes caresses t’ont précipitée et dans tes paupières qui battent encore se lit une infinie reconnaissance. Va ! ô femme ! maîtresse et sœur ! Sous le règne d’Ugolin, ton affranchissement devient total. Tu rêvais, jadis, de puériles revendications. L’homme libéré a décrété l’égalité des sexes, l’égalité dans la liberté et dans l’amour. La fange du passé, les supplices de la maternité, l’esclavage sexuel, le despotisme du mâle, tout cela n’est plus que copeaux de souvenir. Ugolin l’a ainsi voulu. Ugolin a créé du bonheur et versé l’apaisement sur ce vieux monde. Femme, tu connais ta part et tu sais aussi qu’il te reste à subir la loi inexorable, la loi qui veut que, ta mission accomplie, tu t’anéantisses calmement, volontairement, embusquée dans l’extase pure et mielleuse du Non-Être.