Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/80

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vous faire mépriser les larmes et les plaintes. Lorsque, par la suite du temps et la force des choses, nous serons amis, c’est alors que l’on verra lequel de nous deux sait le mieux tourmenter l’autre. Les cheveux m’en dressent à la tête rien que d’y penser. Ai-je bien interprété votre mais ? Soyez sûre que, malgré vos résolutions, nos fils sont trop mêlés pour que nous ne nous retrouvions pas dans le monde quelque jour. Je meurs d’envie de causer avec vous. Il me semble que je serais parfaitement heureux si je savais que je vous verrai ce soir.

À propos, vous avez tort de suspecter la curiosité de M. V… Fût-elle égale à la vôtre, ce qui n’est pas possible, M. V… est un Caton, et il mettrait bon ordre à ce qu’il n’y eût pas de bris de scellés. Ainsi, envoyez-lui le schizzo sous cachet et ne craignez aucune indiscrétion de sa part. Je voudrais vous voir au moment où vous écrivez : Amigo de mi alma. Quand vous ferez faire votre portrait pour moi, dites cela intérieurement, au lieu de « petite pomme d’api », comme disent les dames qui veulent donner à leur bouche un tour gracieux. — Faites donc que nous nous voyions sans mystère et comme de bons amis. Vous serez sans