Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 2,1874.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

longtemps. Les eaux de Bagnères ont commencé par me faire grand mal. On me disait que c’était tant mieux, et que cela prouvait leur action. Le fait est qu’aussitôt que j’ai quitté. Bagnères, je me suis senti renaître ; l’air de la mer, et aussi peut-être la cuisine auguste que je mange ici, ont achevé de me guérir. Il faut vous dire qu’il n’y a rien de plus abominable que la cuisine de l’hôtel de *** à Bagnères, et je crois en vérité qu’on y a pratiqué contre Panizzi et moi un empoisonnement lent. Il y a peu de monde à la villa, et seulement des gens aimables que je connais depuis longtemps. Dans la ville, il n’y a pas grand monde, peu de Français surtout ; les Espagnols dominent, et les Américains. Les jeudis, on reçoit, et il faut mettre les Américains du Nord d’un côté et les Américains du Sud de l’autre, de peur qu’ils ne s’entre-mangent. Ce jour-là, on s’habille. Le reste du temps, on ne fait pas la moindre toilette ; les dames dînent en robe montante, et nous du vilain sexe en redingote. Il n’y a pas de château en France ni en Angleterre où l’on soit si libre et si sans étiquette, ni de châtelaine si gracieuse et si bonne pour ses hôtes. Nous faisons de très-belles promenades dans