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Page:Mérimée - Carmen.djvu/171

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Pendant qu’Arsène s’abandonnait à ses tristes réflexions, madame de Piennes lui démontrait avec chaleur la nécessité de renoncer pour toujours à ce qu’elle appelait ses égarements criminels. Une forte conviction rend presque insensible ; et comme un chirurgien applique le fer et le feu sur une plaie sans écouter les cris du patient, madame de Piennes poursuivait sa tâche avec une impitoyable fermeté. Elle disait que cette époque de bonheur où la pauvre Arsène se réfugiait comme pour s’échapper à elle-même était un temps de crime et de honte qu’elle expiait justement aujourd’hui. Ces illusions, il fallait les détester et les bannir de son cœur ; l’homme qu’elle regardait comme son protecteur et presque comme un génie tutélaire, il ne devait plus être à ses yeux qu’un complice pernicieux, un séducteur qu’elle devait fuir à jamais.

Ce mot de séducteur, dont madame de Piennes ne pouvait pas sentir le ridicule, fit presque sourire Arsène au milieu de ses larmes ; mais sa digne protectrice ne s’en aperçut pas. Elle continua imperturbablement son exhortation, et la termina par une péroraison qui redoubla les sanglots de la pauvre fille, c’était : Vous ne le verrez plus.

Le médecin qui arriva et la prostration complète de