Page:Mérimée - Carmen.djvu/183

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ses joues, depuis longtemps pâlies par la souffrance, à l’éclat extraordinaire dont brillèrent ses yeux, madame de Piennes faillit à se repentir d’avoir consenti à cette entrevue ; mais il n’était plus temps de changer de résolution. Elle employa quelques minutes qui lui restaient avant l’arrivée de Max en exhortations pieuses et énergiques, mais elles étaient écoulées avec une distraction notable, car Arsène ne semblait préoccupée que d’arranger ses cheveux et d’ajuster le ruban chiffonné de son bonnet.

Enfin M. de Salligny parut, contractant tous ses traits pour leur donner un air de gaieté et d’assurance. Il lui demanda comment elle se portait, d’un ton de voix qu’il essaya de rendre naturel, mais qu’aucun rhume ne saurait donner. De son côté, Arsène n’était pas plus à son aise ; elle balbutiait, elle ne pouvait trouver une phrase, mais elle prit la main de madame de Piennes et la porta à ses lèvres comme pour la remercier. Ce qui se dit pendant un quart d’heure fut ce qui se dit partout entre gens embarrassés. Madame de Piennes seule conservait son calme ordinaire, ou plutôt, mieux préparée, elle se maîtrisait mieux. Souvent elle répondait pour Arsène, et celle-ci trouvait que son interprète rendait assez mal ses pensées. La conversation languissant, ma-