Page:Mérimée - Carmen.djvu/296

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disait-il, le poursuivait pour une faute. Toujours il attendait, et la délivrance ne venait pas. Errant sur la rive du Danube, il se lamentait sans cesse, et des larmes amères coulaient de ses yeux au souvenir de son lointain pays. Enfin, mourant, il voulut qu’on portât ses os vers le sud, croyant que, même après sa mort, ils ne pourraient trouver le repos dans la terre de l’exil.

ALEKO.

Voilà donc le sort de tes enfants, ô Rome, ô souveraine du monde ! Chantre des amours, chantre des Dieux, dis-moi qu’est-ce que la gloire ? un écho sortant d’une tombe, un cri d’admiration, une rumeur qui retentit d’âge en âge, ou bien sous l’abri d’une hutte enfumée le récit d’un sauvage bohémien !


Deux ans se passent, et toujours la Bohême joyeuse et vagabonde ; partout, comme naguères elle trouve la paix et l’hospitalité. Aleko a secoué les chaînes de la civilisation : libre comme ses hôtes, sans soucis, sans regrets, il prend place à leurs bivouacs. Il n’a pas changé ; ses amis sont les mêmes. Oubliant ses jours d’autrefois il a pris les mœurs des Bohémiens. Comme eux, il se plaît sous l’abri d’une tente ; il goûte les enivrements de leur éternelle paresse ; il aime jusqu’à