Page:Mérimée - Carmen.djvu/297

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leur langue, pauvre et sonore. Déserteur de sa bauge des bois, l’ours est devenu l’hôte bien fourré de sa tente. Dans les villages, sur la route qui traverse la steppe et mène à la capitale de la Moldavie, l’ours danse lourdement au milieu d’une foule circonspecte. Il beugle et mord impatiemment sa chaîne. Appuyé sur son bâton de voyage, le vieillard marque nonchalamment la mesure sur son tambourin. Aleko conduit la bête en chantant des chansons. Zemfira passe devant les villageois et recueille leurs offrandes volontaires. Vient la nuit : Tous les trois font bouillir le grain qu’ils n’ont pas moissonné. Le vieillard s’endort, le feu s’éteint ; tout repose ; tout est tranquille sous leur tente.


Aux rayons d’un soleil de printemps le vieillard réchauffe son sang déjà engourdi ; devant un berceau sa fille chante une chanson d’amour ; Aleko écoute et pâlit.

ZEMFIRA.

« Vieux jaloux, méchant jaloux, coupe-moi, brûle-moi ; je suis ferme, je n’ai peur ni du couteau ni du feu.

Je te hais, je te méprise, j’en aime un autre ; je meurs en l’aimant. »