Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/148

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semble que je suis moins malheureux, maintenant que j’ai soulagé mon cœur.

Miss Lydia détourna la tête, comme si l’obscurité ne suffisait pas pour cacher sa rougeur : — Monsieur della Rebbia, dit-elle d’une voix tremblante, serais-je venue en ce lieu si… Et, tout en parlant, elle mettait dans la main d’Orso le talisman égyptien. Puis, faisant un effort violent pour reprendre le ton de plaisanterie qui lui était habituel : — C’est bien mal à vous, monsieur Orso, de parler ainsi… Au milieu du mâquis, entourée de vos bandits, vous savez bien que je n’oserais jamais me fâcher contre vous.

Orso fit un mouvement pour baiser la main qui lui rendait le talisman ; et comme miss Lydia la retirait un peu vite, il perdit l’équilibre et tomba sur son bras blessé. Il ne put retenir un gémissement douloureux.

— Vous vous êtes fait mal, mon ami ? s’écria-t-elle en le soulevant ; c’est ma faute ! pardonnez-moi… Ils se parlèrent encore quelque temps à voix basse, et fort rapprochés l’un de l’autre. Colomba, qui accourait précipitamment, les trouva précisément dans la position où elle les avait laissés.

— Les voltigeurs ! s’écria-t-elle. Orso, essayez de vous lever et de marcher, je vous aiderai.

— Laissez-moi, dit Orso. Dis aux bandits de se sauver… qu’on me prenne, peu m’importe ; mais emmène miss Lydia : au nom de Dieu, qu’on ne la voie pas ici !

— Je ne vous laisserai pas, dit Brandolaccio qui suivait Colomba. Le sergent des voltigeurs est un filleul de l’avocat ; au lieu de vous arrêter, il vous tuera, et puis il dira qu’il ne l’a pas fait exprès.

Orso essaya de se lever, il fit même quelques pas ; mais, s’arrêtant bientôt : Je ne puis marcher, dit-il. Fuyez, vous autres. Adieu, miss Nevil ; donnez-moi la main, et adieu !