Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/233

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d’un jour ! Allez, vous me remercierez tous les deux demain, je n’en doute pas, et la seule récompense que je vous demande, c’est de me permettre de faire la cour à Teresita pour me dédommager. — Puis, voyant que don Juan était plus qu’à moitié convaincu, il lui dit : — Décidez-vous, car pour moi je ne veux pas voir Fausta ce soir ; si vous n’en voulez pas, je donne ce billet au gros Fadrique, et c’est lui qui en aura l’aubaine.

— Ma foi, arrive que pourra ! s’écria don Juan, saisissant le billet ; et, pour se donner du courage, il avala d’un trait un grand verre de Montilla.

L’heure approchait. Don Juan, qu’un reste de conscience retenait encore, buvait coup sur coup pour s’étourdir. Enfin l’horloge sonna. Don Garcia jeta son manteau sur les épaules de don Juan, et le conduisit jusqu’à la porte de sa maîtresse ; puis, ayant fait le signal convenu, il lui souhaita une bonne nuit, et s’éloigna sans le moindre remords de la mauvaise action qu’il venait de commettre.

Aussitôt la porte s’ouvrit. Doña Fausta attendait depuis quelque temps.

— Est-ce vous, don Garcia ? demanda-t-elle à voix basse.

— Oui, répondit don Juan encore plus bas, et la figure cachée sous les plis d’un large manteau. Il entra, et la porte s’étant refermée, don Juan commença a monter un escalier obscur avec son guide.

— Prenez le bout de ma mantille, dit-elle, et suivez-moi le plus doucement que vous pourrez.

En peu d’instants il se trouva dans la chambre de Fausta. Une lampe seule y jetait une médiocre clarté. D’abord don Juan, sans ôter son manteau ni son chapeau, se tint debout, le dos près de la porte, n’osant encore se découvrir. Doña Fausta le considéra quelque temps sans rien dire ; puis tout d’un coup elle s’avança vers lui en lui tendant les bras. Don Juan, laissant alors tomber son manteau, imita son mouvement.