Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/236

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rasser. En même temps se faisait entendre le bruit alarmant de portes qui s’ouvraient ; des pas et des voix d’hommes s’approchaient, il n’y avait pas un instant à perdre. Il fit un effort pour rejeter loin de lui doña Fausta ; mais elle l’avait saisi par le pourpoint avec tant de force, qu’il tourna sur lui-même avec elle sans avoir gagné autre chose que de changer de position. Fausta était alors du côté de la porte qui s’ouvrait en dedans. Elle continuait ses cris. Tout d’un coup la porte s’ouvrit ; un homme tenant une arquebuse à la main paraît à l’entrée. Il laisse échapper une exclamation de surprise, et une détonation suit aussitôt. La lampe s’éteignit, et don Juan sentit que les mains de doña Fausta se desserraient, et que quelque chose de chaud et de liquide coulait sur les siennes. Elle tomba ou plutôt glissa sur le plancher, la balle venait de lui fracasser l’épine du dos ; son père l’avait tuée au lieu de son ravisseur. Don Juan, se sentant libre, s’élança vers l’escalier, au milieu de la fumée de l’arquebuse. D’abord il reçut un coup de crosse du père et un coup d’épée d’un laquais qui le suivait ; mais ni l’un ni l’autre ne lui firent beaucoup de mal. Mettant l’épée à la main, il chercha à se frayer un passage et à éteindre le flambeau que portait le laquais. Effrayé de son air résolu, celui-ci se retira en arrière. Pour don Alonso de Ojeda, homme ardent et intrépide, il se précipita sur don Juan sans hésiter ; celui-ci para quelques bottes, et sans doute il n’avait d’abord que l’intention de se défendre ; mais l’habitude de l’escrime fait qu’une riposte, après une parade, n’est plus qu’un mouvement machinal et presque involontaire. Au bout d’un instant le père de doña Fausta poussa un grand soupir et tomba mortellement blessé. Don Juan, trouvant le passage libre, s’élança comme un trait sur l’escalier, de là vers la porte, et en un clin d’œil il fut dans la rue sans être poursuivi des domestiques, qui s’empressaient autour de leur maître