Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/73

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la soulever… N’y a-t-il pas ici quelque homme pour le faire ?

— Je ne suis pas si faible que vous le pensez, dit Colomba, en retroussant ses manches et découvrant un bras blanc et rond, parfaitement formé, mais qui annonçait une force peu commune. Allons, Saveria, dit-elle à la servante, aide-moi. Déjà elle enlevait seule la lourde malle, quand Orso s’empressa de l’aider.

— Il y a dans cette malle, ma chère Colomba, dit-il, quelque chose pour toi. Tu m’excuseras si je te fais de si pauvres cadeaux, mais la bourse d’un lieutenant en demi-solde n’est pas trop bien garnie. — En parlant, il ouvrait la malle et en retirait quelques robes, un châle et d’autres objets à l’usage d’une jeune personne.

— Que de belles choses ! s’écria Colomba. Je vais bien vite les serrer de peur qu’elles ne se gâtent. Je les garderai pour ma noce, ajouta-t-elle avec un sourire triste, car maintenant je suis en deuil. Et elle baisa la main de son frère.

— Il y a de l’affectation, ma sœur, à garder le deuil si longtemps.

— Je l’ai juré, dit Colomba d’un ton ferme. Je ne quitterai le deuil… Et elle regardait par la fenêtre la maison des Barricini.

— Que le jour où tu te marieras ? dit Orso cherchant à éviter la fin de la phrase.

— Je ne me marierai, dit Colomba, qu’à un homme qui aura fait trois choses… Et elle contemplait toujours d’un air sinistre la maison ennemie.

— Jolie comme tu es, Colomba, je m’étonne que tu ne sois pas déjà mariée. Allons, tu me diras qui te fait la cour. D’ailleurs j’entendrai bien les sérénades. Il faut qu’elles soient belles pour plaire à une grande vocératrice comme toi.

— Qui voudrait d’une pauvre orpheline ?… Et puis