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Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/102

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vre de son bouclier. Tu es son favori, et moi je suis voué à Éblis 13.

H. Nouman. Je te pardonne, Zeïn, mais…

Zeïn. Fou que tu es ! dis donc à cette femme de remettre son voile, ou je ne réponds pas de moi. Nouman, je te prie de me pardonner. Mais le simoun 14 n’est pas plus brûlant et plus impétueux que l’amour d’un Arabe.

H. Nouman. Tu es bien agité…

Zeïn. Écoute, quand je te sauvai la vie, tu me dis de te demander quelque chose… que tu me l’accorderais ! T’ai-je demandé encore quelque chose ? dis.

H. Nouman. Non.

Zeïn. Donne-moi cette femme.

H. Nouman. Sais-tu combien je l’aime ?

Zeïn. L’aimes-tu comme moi ? Ferais-tu cela pour elle ?

(Il se perce le bras de son poignard 15.)

H. Nouman. Tigre féroce, que feras-tu de cette timide gazelle ?

Zeïn. Allons !

H. Nouman. Je ne puis !

Zeïn. Dans le désert on respecte ses serments.

H. Nouman. Prends tous mes biens… Je te donne tout…

Zeïn. Plaisant échange !… c’est à Zeïn que tu le proposes, à Zeïn qui donna au vieux El-Faradje tout le butin de la tribu des Zinebis pour le seul cheval Abjer ! Eh bien ! moi, Zeïn, je t’offre Abjer et le khandjar d’Amrou, si tu veux me donner cette esclave.

H. Nouman d’un ton suppliant. Zeïn !

Zeïn. N’as-tu pas juré par la Caaba la prohibée, par les tombeaux des prophètes, par ton sabre, de m’accorder ma première demande ?

H. Nouman. Que ferais-tu à ma place ?

Zeïn hésitant. Ce que je ferais ?…

H. Nouman. Oui, toi, Zeïn ?

Zeïn. Je… je te tuerais ! tire ton khandjar !

H. Nouman. Non, je ne puis me battre contre celui qui m’a sauvé la vie dans le désert. — Écoute, Bédouin. Il est un moyen de nous arranger. Que Mojana choisisse son maître. Si elle te préfère, elle est à toi.