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Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/103

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Zeïn. Est-ce là remplir ta parole ?

H. Nouman. Mojana, choisis.

Mojana. Hésiterai-je entre mon bien-aimé et ce sauvage farouche ! Ô mon seigneur ! ton esclave t’aimera toujours.

(Elle se jette dans les bras de Hadji Nouman.)

H. Nouman. Ô Mojana ! — Zeïn, tu m’ôterais une esclave qui m’aime tant !

Zeïn accablé. Vous êtes faits l’un pour l’autre… et moi, que je suis malheureux ! En naissant j’ai donné la mort à ma mère. À douze ans, j’ai crevé un œil à mon frère d’un coup de flèche… et voilà qu’aujourd’hui j’ai voulu tuer mon ami. Je lui ai reproché un bienfait… Oh ! cela est indigne d’un Arabe. — Adieu, Hadji Nouman.

H. Nouman. Zeïn, demande-moi quelque chose que je puisse te donner.

Zeïn. Je n’ai besoin de rien. Je retourne à mes tentes du désert.

H. Nouman. Reste auprès de ton ami.

Zeïn. Je ne puis.

H. Nouman. Pourquoi me fuis-tu ?

Zeïn. Un jour peut-être je te tuerais. Je me connais bien.

H. Nouman. Tu as le droit de me tuer, je mérite toute ta colère…

Zeïn. Quoi ! c’est une femme qui l’a rendu parjure, qui m’a presque rendu assassin ! Mais moi, pour posséder quelques chameaux, n’ai-je pas rendu plus d’une épouse veuve, et plus d’un enfant orphelin !

H. Nouman. Reste avec moi, ou je te suivrai au désert.

Zeïn. Et cette esclave, y viendra-t-elle ?

H. Nouman. J’ai une sœur qui est belle, Zeïn. Je te la donnerai…

Zeïn. Frère, dis à ton esclave d’ôter son voile, que je la voie encore une fois avant de partir.

H. Nouman. Mojana, fais ce qu’il souhaite. Jette un regard d’amour sur Zeïn, car il est mon ami…

Zeïn. Hadji Nouman, qu’Allah !… (Avec fureur.) Tiens, battons-nous, et que le sabre en décide !

H. Nouman. Voilà ta frénésie qui te reprend ! Mojana, retire-toi.