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Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/110

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dence, je t’engage à éviter trop de familiarité avec lui. — Adieu.

Il sort.

Mendo. Je vous baise les pieds. — (Seul.) Honni, chassé de la société des hommes !… Personne ne dira, en voyant mon nom sur ma tombe, un requiescat in pace. Un assassin obtiendrait cette prière !… Et qu’ai-je fait pour mériter mon sort ?… L’Écriture a dit cependant : « Le fils ne portera point l’iniquité du père 3. »

Inès entrant. Bonjour, mon papa.

Mendo. Bonjour, ma fille. Tu as l’air embarrassée, comme si tu avais quelque chose à me demander.

Inès. Mais, mon papa…

Mendo. Allons, parle.

Inès. C’est… mon papa… que, comme j’ai tout rangé dans la maison… je voudrais bien aller me promener à la butte du Morisque… si vous me le permettez…

Mendo. Est-ce pour t’y promener seule ?

Inès. Mais, mon papa… Don Esteban…

Mendo. Écoute, Inès. — Vas-y si tu le veux. Je ne te parlerai que comme un ami. — Je pourrais parler en père. Nous sommes pauvres et de bas lieu… Celui que tu vas voir est riche et noble. Rappelle-toi la fable du Pot de terre et du Pot de fer.

Inès. Mais pourtant, le père d’Esteban… (Se reprenant.) de don Esteban… don Luis, est si bon pour tout le monde !… Il vient vous voir souvent… Vous savez combien il vous aime.

Mendo. Don Luis, établi depuis trois mois dans ce pays, et vivant comme nous éloigné du village, ne trouve près de lui d’autre figure humaine que la mienne. Il est bien obligé de venir nous voir. — Pour don Esteban, tu es la seule femme des environs qui ne soit pas absolument noire, et il n’est pas extraordinaire qu’il montre quelque goût pour toi. Mais, prends-y garde, quand il n’y aurait entre nous que la différence de rang, Inès Mendo ne serait jamais la femme d’Esteban de Mendoza. Tu ne voudrais pas être sa maîtresse… Évite donc toute liaison, autre que de politesse, avec les Mendoza.

Inès. Cependant don Luis dit toujours comme cela, que,