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Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/111

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tout comte qu’il est, il ne tient pas du tout à la noblesse, et qu’il estime autant un paysan, fils d’honnêtes gens, qu’un grand d’Espagne.

Mendo. Tout cela est bon à dire ; mais, quand on en vient à la pratique, on oublie bien vite ces beaux paradoxes.

Inès. Et don Esteban… il est baron et officier aux gardes… Eh bien ! il dit qu’un noble peut bien épouser une roturière, parce qu’il l’anoblit, et que cela ne fait pas de tort au sang. Il le sait bien, lui. D’ailleurs, nous descendons tous d’Adam, comme dit monsieur le curé. Il n’y a que les professions qui font de la différence. Son grand-père était chevalier, et le mien… qu’est-ce que faisait mon grand-papa ?

Mendo troublé. Mon père !… lui !… il avait la même profession que moi.

Inès. Vous êtes affligé, je le vois, de ce que je vous ai dit. Si vous le voulez bien fort, je ne verrai plus Esteban… Mais, mon cher petit papa… je vous en prie, laissez-moi vous l’amener aujourd’hui seulement ; il vous dira quelque chose.

Mendo. Moi, c’est pour ton bien que je te parle ; il faut cesser de le voir.

Inès. Il m’aime tant cependant.

Mendo. Tu le crois, pauvre Inès !

Inès. J’en suis sûre. Mon papa ?…

Mendo. Quoi ?

Inès. S’il voulait m’épouser ?

Mendo haussant les épaules. Ah !

Inès. S’il vous le disait ?

Mendo. Laisse-moi.

Inès. Voici don Luis.

Don Luis de Mendoza entrant. Bonjour, voisin… bonjour, chère enfant. Laissez-nous seuls un instant, et allez au jardin, vous y trouverez de la compagnie.

Mendo. Inès !

Don Luis. Taisez-vous ; c’est moi qui lui ordonne de sortir. Vous, restez ; j’ai à vous parler de quelque chose dont vous ne vous doutez sûrement pas. (Inès sort.) Mais, d’abord, que je vous gronde. Vous êtes un singulier homme, Mendo.