Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/24

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rassurez-vous. Nous avons l’unité, nous trouverons les zéros. Notre armée se compose de quinze mille hommes. Vous croyez qu’on ne va pas loin avec ce chiffre. Erreur ! On va partout. Les zéros nous attendent. Mithridate, dans son plan de campagne, comptait sur les Daces, les Pannoniens et les Germains. Annibal avait à peine vingt mille Africains à Sagonte ; il avait quatre-vingt mille hommes à Cannes. Les Ibères, les Gaulois, les Liguriens, les Étrusques, s’étaient joints aux Carthaginois. Fernand Cortès n’avait que six cents Espagnols et quinze chevaux, et avec ses auxiliaires de Uacala, il battit quatre-vingt mille Mexicains, à la bataille d’Ottumba, qui lui ouvrit les portes de Mexico.

Berthier inclina la tête en souriant, et parut se rendre à ces démonstrations historiques.

— Eugène, dit Bonaparte, allez tout de suite donner mes ordres aux ingénieurs, il faut qu’après le coucher du soleil on répare avec la plus grande activité la batterie Dufalga et la batterie Rampon. Le coup décisif doit partir de là… Vous, mes amis, pénétrez-vous bien de mes pensées, et préparez l’esprit des soldats aux grandes choses que nous devons accomplir.

Le jeune héros, resté seul, et voulant se préparer à une nuit de veille, se coucha sur un amas de feuilles sèches de mais, et s’endormit bientôt, pour continuer son beau rêve d’Orient.

Le lendemain, à l’aube, deux batteries démasquées commencèrent un feu terrible contre la tour, qui s’écroula comme une pièce d’échiquier, entraîna dans sa chute un lambeau de rempart, et ouvrit ainsi une brèche très-vaste impossible à