Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/27

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tant leur confiance donnée était grande. Bonaparte acheva d’exalter leur imagination en ajoutant ceci :

— Le lendemain de la bataille des Pyramides, vous vous en souvenez, nous sortîmes à cheval du Caire, Murat, Eugène, Kléber, Junot, Lannes, Desaix et moi ; la chaleur était excessive ; vos uniformes de gros drap et vos chapeaux de lourd castor vous gênaient beaucoup, car il s’agissait de gravir jusqu’au sommet la pyramide de Chéops. Arrivés à mi-côte du monument, vous vous habillâtes, ou, pour mieux dire, vous vous déshabillâtes à la légère ; il vous eût été impossible, disiez-vous, de monter plus haut avec vos équipements du nord. Nous fîmes une halte.

Desaix prit la parole et dit :

— Alexandre le Grand, Parménion Ephestion, Clitus ont gravi, comme nous, cette pyramide, trois cent trente ans avant l’ère chrétienne. Les cuirasses et les casques macédoniens étaient bien plus lourds que nos uniformes, et je voudrais bien savoir s’ils se sont mis à la légère comme nous.

— Alors je dis à Desaix : Alexandre est monté beaucoup plus haut, avec l’uniforme macédonien, il est arrivé sur l’Indus.

— Nous ne monterons pas si haut, reprit Desaix.

— Pourquoi pas ? lui dis-je.

— Eh bien ! alors, ajouta-t-il, nous prendrons le costume de l’Indus.

— Certainement, nous le prendrons, dit Kléber ; Alexandre le Grand était né dans un pays chaud ; s’il fût né à Strasbourg, comme moi, il n’aurait pas abordé l’Indus, avec le casque d’or et la cuirasse qu’il portait au siège d’Oxidraka…