Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/32

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rent Bonaparte jusque sur le chemin pavé qui mène à Éphèse, sous des voûtes d’arbres et de fleurs. D’Éphèse, où l’armée se reposa, Bonaparte partit, avec Desaix, Denon et quelques cavaliers, pour saluer le noble cadavre de Palmyre. À la vue de cette plaine silencieuse qui fut la bruyante cite de Zénobie, Bonaparte dit à Desaix :

— Il est triste de penser qu’on s’étouffe dans nos villes d’Europe, où le peuple s’insurge pour demander de l’air et du soleil, et qu’il y a ici assez de pierres oisives pour bâtir un Paris neuf dans un pays délicieux ! Nous repeuplerons ce néant.

L’armée traversa ensuite l’Euphrate, près de Circesium, et entra sur la terre de Mésopotamie. Ninive se révéla bientôt avec ses collines de ruines et sa désolation solennelle. Toutes les fois qu’on arrivait sur un terrain auguste, immortalisé par la Bible ou l’histoire, Bonaparte dictait à Berthier une page qui, soudainement imprimée et distribuée aux soldats comme un chant de leur poëme, leur apprenait les choses accomplies autrefois sur les mêmes lieux. Devant Ninive, l’armée fut attendrie en lisant, au bas de l’ordre du jour héroïque, la citation de la prophétie de Jonas : Encore quarante jours, et Ninive sera détruite ! De Ninive, on se mit en marche pour Arbelles, et là, nos soldats saluèrent avec enthousiasme le champ de bataille d’Alexandre et de Darius.

On descendit en Assyrie, et on suivit les rives de l’Euphrate jusqu’aux ruines de Babylone. Depuis le départ de Jérusalem, on n’avait que des haltes d’un jour et d’une nuit ; on s’arrêta trois jours entre le Tigre et l’Euphrate, pour visiter religieusement les antiques domaines de Sémiramis. Le bulletin