Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/36

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— Seul… avec mon armée, dit Bonaparte en souriant, et j’adopte votre opinion.

C’est avec ces sortes d’entretien qu’on occupait les loisirs des étapes. Une foule de soldats et de jeunes officiers entouraient, dans ces occasions, la tente du général, ils écoutaient religieusement, et rien ensuite n’était perdu pour l’armée de tout ce qu’avaient dit Bonaparte et ses lieutenants.

Le quatrième jour, avant le lever du soleil, les moines catholiques du Mont-Liban célébraient l’office divin sur les ruines du temple de Bélus, et l’armée se remit en marche, et se dirigea vers Suze.

Alexandre avait, en partant de Suze, longe le fleuve Eulœus, jusqu’au lac de Chaldée. Le roi de Macédoine se connaissait en chemins ; il savait profiter de tous les accidents du sol, pour ne pas fatiguer son armée, et à force d’intelligence, il devinait toujours le sentier favorable, en abordant une terre inconnue. Aussi Bonaparte, qui possédait admirablement l’itinéraire d’Alexandre, n’hésita pas à prendre pour guide ce fleuve Eulœus, qui devait le conduire au golfe Persique, sur les limites de l’antique Chaldée. Ce voyage réjouit les soldats, qui goûtèrent ainsi, sans interruption, la fraîcheur des arbres et des eaux, et trouvèrent des campements délicieux. Denon ne manqua pas de faire remarquer sur cette route l’admirable limpidité des nuits et le ciel splendidement étoile qui avait révélé l’astronomie aux premiers pasteurs chaldéens.

Xénophon, en racontant avec tant de charme la retraite des Dix-Mille, parle de la joie délirante qui éclata parmi les Grecs, lorsque, après avoir traversé tant de pays barbares, et