Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/44

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— Je ne voulais pas le confier à un médecin, dit Denon, mais, puisque le général l’ordonne, j’obéis. Tous les puissants remèdes viennent de l’Inde. Le breuvage qui guérit Alexandre était un remède indien, une infusion d’yapana.

— Il a raison ! s’écria Desgenettes ; c’est l’yapana qui a guéri le roi de Macédoine ! Dignus es intrare ! Justement nous voici dans le pays de l’yapana ; il faut en envoyer une cargaison en France. Il est déplorable qu’il n’y ait pas une feuille d’yapana dans un herbier pharmaceutique de Paris !

— Si cela, est adopté à l’unanimité, dit Bonaparte, nous ferons imprimer, à nos, frais, à Lahore, une édition de Quinte-Curce, avec un chapitre nouveau sur le remède de Philippe. Denon nous écrira cela en bon latin.

— Allons à Lahore d’abord, dit Denon.

— Je vais vous en préparer le chemin, dit Bonaparte.

Le jour était à sa fin ; mais la nuit, avec ses grandes constellations, semblait devoir continuer le jour, en l’absence du soleil. Bonaparte monta à cheval, escorté de Murat, de Desaix et de quelques hussards du 6e, pour reconnaître le terrain sur l’extrême rive du golfe Persique. On devait, disait-on, se remettre en marche le lendemain, trois heures avant le jour.

La veillée du bivouac fut très-joyeuse ; les soldats ne regrettaient pas la terre d’Égypte comme les anciens Hébreux : ils désiraient la terre inconnue, et bâtissaient déjà des châteaux en Inde, sur toute la ligne des régiments.

Parmi tant de groupes ou l’entretien du soir était fort animé, on en remarquait un beaucoup plus nombreux en auditeurs ; on y faisait de l’histoire contemporaine, et ceux qui