Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/62

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dix mille piastres par an, un bénéfice, vingt piastres de feux, trois mois de congé pour exploiter la banlieue de l’Inde.

— J’ai un engagement superbe aussi, moi ! dirent les autres artistes.

— Et vous venez tous de signer ? demanda Hoffmann.

— Tous, à présent ; dit Vestris : c’est le citoyen Sabatier de Cavaillon qui vient de s’improviser agent des théâtres de l’Inde et qui engage tous les sujets. Il paie les dédits.

— Mais on m’a oubliée ! moi, dit la danseuse Sautnier ; où est-il, le citoyen Sabatier de Cavaillon ? ou perche-t-il en ce moment ?

— Vous le trouverez chez lui, demain, rue Sainte-Anne, 69, dit Vestris : il n’y a pas de temps à perdre. Toute la troupe italienne est déjà engagée. On veut faire une surprise au général Bonaparte. C’est une excellente idée, à ce que dit Sabatier de Cavaillon.

— Rien n’est plus vrai, dit le célèbre chanteur italien Clairval, qui rentrait au foyer en ce moment ; j’ai signé le premier ; nous partons dans huit jours. Troupe complète. Nous débutons à Madras par I Zingari in Fiera.

— Mais y a-t-il un théâtre à Madras, demanda Mallet.

— Il y a le terrain, dit Clairval ; cela suffit dans les pays chauds. On peut jouer I Zingari sous une tente, entre deux coulisses de cocotiers. Ce sont des Bohémiens.

— Ma foi ! dit Lainez, je ne suis pas fâché de m’éloigner un peu des discours du Directoire.

— C’est superbe ! s’écria Clairval avec enthousiasme ; nous sommes les missionnaires de l’art : nous allons naturaliser la grande musique chez les barbares ; nous allons tout