Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/79

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arriva devant Fateabad, et remit à Bonaparte une lettre de Typpoo-Saïb ; elle était ainsi conçue :

« Vaillant saïd des chrétiens,


xx» Il y a quatorze ans aujourd’hui, j’écrivis nue lettre au roi Louis XVI ; je disais à ce puissant monarque, mon ami, que mon empire du Mysore était en danger, si ses soldats, toujours promis, n’arrivaient pas. Mon ami le bailli de Suffren me répondit que la France ne pouvait pas me secourir contre l’Angleterre, parce que les philosophes, les poëtes et les avocats niaient l’existence des Indes et demandaient la convocation des états généraux. Je ne compris pas bien cette lettre de mon ami de Suffren, et j’attendis toujours. Dieu m’a donné la patience, et je m’en réjouis aujourd’hui. La France croit à l’existence des Indes, et les états généraux ont enfin entendu ma voix. Est-il vrai que mon ami, le puissant roi Louis XVI, soit mort sur l’échafaud, un roi qui m’a envoyé Lapeyrouse et Suffren, un roi qui voulait fonder tant de colonies françaises aux Indes ? Cela est impossible. Je ne l’ai jamais cru. L’éloignement est toujours menteur. Arrivez, vaillant saïd des chrétiens. Mon glorieux père Hyder-Ali est mort sans avoir vu le réveil du Bengale, je serai plus heureux que mon père. À quoi tiennent les destinées d’un pays ! Si vous eussiez tardé un mois encore, tout était perdu. Ne me répondez pas : marchez, et soyez béni ! »

L’armée française se remit en marche et arriva le soir sur les rives de Godavery. Rien n’annonçait encore la présence de lord Cornwallis, du marquis de Wellesley et de l’armée anglo-