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Page:Mézière-Mémoire sur la situation du Canada et des États-Unis.djvu/3

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France. L'éducation qu'il m'a procurée n'est pas des plus brillantes: un collège confié à d'ignares ecclésiastiques fût le tombeau de mes jeunes ans; j'y puisai quelques mots de latins et un parfait mépris pour mes professeurs. Sorti à 16 ans de dessous leur férule, j'eus le bonheur de faire la rencontre des oeuvres de Rousseau, de Montesquieu, et d'autres Philosophes amis des hommes et du vrai. Je ... leurs productions elle m'apprirent à connaître mes devoirs et mes droits; elle firent germer en moi la haine du despotisme civil et religieux. Pour la première fois l'existence me plût.

La révolution française luisît à cette époque; elle acheva ce qu'avait commencé chez moi la lecture. Dès ce moment toutes mes affections, tous mes désirs se rapportèrent à la liberté: son idée m'occupait jour et nuit; mon seul regret était de ne pouvoir que l'aimer.

La ville de Montréal renfermait une imprimerie dans son sein, mais les caractères ne présentaient au lecteur que des idées de nature indifférente, que des ordres arbitraires dictés par les délégués de la moderne Carthage: je la fîs servir à un usage plus digne de son institution; elle devint sous mes mains le véhicule de la raison et de la vérité. trop impuissant pour rien créer moi-même, je sûs goûter et faire apprécier aux autres les droits de l'homme proclamés par le peuple français. À cet effet je bravai les menaces du gouvernement, même le courroux d'un père honnête, mais faible par nature et timide par circonstances. On ne vit pas sans inquiétude le genre nouveau de papiers publics, ni l'intérêt progressif qu'ils inspiraient. La presse fût inquiétée, je fûs recherché et j'eusse bientôt été atteint si une résolution vigoureuse n'eut fait changer ma destinée. Dès l'époque de la Révolution, j'avais conçu un désir violent de passer en France; ce dernier événement me le fît réaliser. Je communiquai ma résolution à mes parents; elle les étonna au point de me laisser échapper de leurs bras sans m'offrir les moindres secours pour mon voyage. Mais la nature a pourvu à ce que l'homme le plus pauvre pût se soustraire à l'esclavage; elle lui a donné des jambes: les miennes me servirent si heureusement qu'après trois semaines de marche en mai dernier et un trajet de 500 lieues, j'arrivai à Philadelphie où le citoyen Genet, après avoir pris des renseignement