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VAN : LES JARDINS — LES HOMMES, ETC.

On comprendra que bien des faits relevés dans mon journal de voyage ne puissent trouver place dans ce livre ; ce que j’en ai dit peut suffire. Cet état de choses réagit fortement sur la morale publique, telle qu’elle est prêchée et contrôlée par le clergé arménien-grégorien[1].

Intellectuellement les Arméniens sont fort bien doués. Comme commerçants ils n’ont pas leurs pareils. Tournefort disait déjà d’eux que « non seulement ils sont les maîtres du commerce du Levant, mais qu’ils ont encore beaucoup de part à celui des plus grandes villes d’Europe. » Cela est plus vrai aujourd’hui que jamais.

Sans doute, les Arméniens perdus dans l’intérieur de la Turquie sont loin de traiter les affaires sur une aussi grande échelle que leurs compatriotes de Constantinople ou de l’étranger, mais ils font admirablement fructifier leur petit capital.

À Van « tous les industriels et la plus grande partie des ouvriers de la campagne sont des Arméniens. Les Turcs ne sont que marchands de fruits, et encore y en a-t-il très peu. Parmi les Mahométans il n’y a non seulement pas de maîtres, mais même très peu de manouvriers. Les Arméniens sont un peuple travailleur ; les Turcs sont le contraire. Autrefois ils vivaient du revenu de leurs terres ou étaient fonctionnaires du gouvernement. Maintenant encore ils ne peuvent renoncer à jouer aux Aghas et tuent le temps en flânant dans les cafés et les auberges. Les Musulmans (Turcs et Kurdes) mènent une vie sans souci : mais il faut espérer qu’ils commenceront à travailler le jour où ils s’apercevront du vide d’une telle existence[2]. »

Ce témoignage d’un fonctionnaire turc, mahométan si j’ai bonne mémoire, est précieux.

On prétend que les Turcs n’ont gardé à Van que le monopole

  1. D’anciens auteurs, comme Le Bruyn (iv, 220 etc.) tracent déjà un portrait peu flatteur des mœurs arméniennes. Tournefort, il est vrai, se fait leur avocat. (Lettre 20e).
  2. Churchid Effendi, cité par Arzruni. Les Arméniens en Turquie, 16.