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Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/148

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dente de la présence d’un courant très chaud dans les eaux inviolées de la mer du Groenland.

Dix milles plus loin, le navire dut chercher son chemin à travers les innombrables débris des vieux champs paléocrystiques. La traversée devint très pénible, bien qu’elle fut favorisée par une chaleur constante, désagrégeant le pack, dont on pressentait les approches. On avait dépassé le 84e parallèle, et les voyageurs espéraient se faire jour au milieu des blocs errants.

Mais, le matin du 18 juin, la vigie cria : « Terre ! », et l’on put apercevoir à quelque dix milles dans le nord une chaîne continue de montagnes peu élevées qu’enserrait une bordure de glaces nettement découpées.

L’Étoile Polaire, changeant sa route, se mit à côtoyer l’obstacle, s’efforçant de trouver une issue pour le tourner dans l’ouest.

La zone de glace cependant ne parut ni s’amoindrir ni se fragmenter. Force fut bien de se rendre à l’évidence : la voie de mer était désormais interdite aux explorateurs.

On releva le point, tandis que l’Étoile Polaire s’efforçait vainement de mouiller son ancre, par des profondeurs de 200 et 250 brasses. On était donc au voisinage d’accores très escarpés, et la position devenait dangereuse pour le navire.

M. de Kéralio rassembla de nouveau ses officiers.

« Messieurs, leur dit-il, dès à présent nous aurions le droit d’être pleinement satisfaits du résultat de nos efforts. Nul homme n’est allé aussi loin que nous sur la route du Pôle, puisque nous nous trouvons par 84° 35′ de latitude boréale. Sans la fâcheuse barrière que nous oppose le pack, nous aurions atteint le 85e parallèle. Mais ce qu’un navire ne peut