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l’innocente satire dans laquelle il les drape ; il blague le peuple dans le Bal de l’Hôtel de Ville, et le peuple, désarmé par le rire, fredonne :

Quand on a bon cœur,
On pense à sa sœur,
À sa femme, à ses mioches !


Il n’épargne pas même l’administration que l’Europe nous envie, comme en témoigne la charge du Sous-Préfet fin de siècle :

        Y aura des dortoirs
Pour ceux qui se laisseront choir
Entre les pieds de la table.
        L’administration,
        Pleine de compassion,
        Fournira des potions
        Pour les indigestions.


Chez lui, la malice est toujours dépourvue de méchanceté, si bien qu’après avoir ri aux dépens de tout et de tous, la presse de tous les partis lui fut toujours sympathique. Et pourtant il n’était pas tendre pour les adeptes d’un certain patriotisme quand même, bruyant et encombrant, qui avait le don de l’agacer spécialement :

Que ferais-je de mes dix doigts
Si je ne sauvais la Patrie ?

Voilà son opinion en deux vers, et qui songerait à s’en scandaliser ?

Toutefois, nous avons cru devoir supprimer de ces deux recueils la plus légère allusion politique.

Quelques esprits chagrins pourraient, par exemple, taxer de tant soit peu irrévérencieuse la spirituelle complainte du Bon saint Labre. Qu’ils se rassurent : j’ai rencontré dans des coins reculés de province de braves curés qui en faisaient leurs délices ; c’est l’absolution avant le péché.

Tout ce qu’il faisait était personnel, original, bizarre, provoquant un rire parfois inexpliqué, toujours spontané.

Et puis, il avait une telle façon de les interpréter, ses vers, avec son impassibilité déconcertante, des éclats de voix inattendus et son geste « en bois » ! Tout son être rayonnait le comique ; aussi fut-il tout de suite remarqué, quand la pléiade des « Hirsutes », transportant son quartier général du boulevard Saint-Michel à Montmartre, Mac-Nab passa les