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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

Il confia son dégoût des choses et des hommes à son chat Rackam, dont l’indifférence acheva de l’écœurer.

En outre, Mme Plœdac manifestait à son gré trop de sympathie pour le nouvel arrivant.

― C’est toujours comme ça, se plaignait-il chez Marie-Anne. Tout nouveau, tout beau. La mère Plœdac en rabattra.

« Enfin, Marie-Anne, voilà une maison où je dépense plus que dix clients ordinaires, on n’a pas plus de considération pour moi que pour ce godelureau. Comment trouvez-vous ça ?

― C’est qu’il est gentil, ripostait la jolie fille.

― Bouh ! bouh ! peuh ! Il est gentil. Vous ne savez dire autre chose. C’est bien les femmes. Voilà un bougre qui est fichu comme l’as de pique. Il est à peu près aussi gras qu’une bicyclette sans ses pneus. Mais ça ne fait rien, tel qu’il est, avec sa tête de sansonnet vicieux, Adonis n’est qu’un panaris réincarné à côté de cet avorton.

― Vous dites ça parce que vous êtes jaloux.

― Jaloux. Et de qui et de quoi ?

Marie-Anne, n’ayant rien à répondre, demanda :

― Qu’est-ce que vous prenez ?

― La porte, répondit Krühl de mauvaise humeur ; puis se ravisant :

― Donne-moi du Porto.

Marie-Anne le servit.