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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

― Le v’là qui plonge, annonça Bébé-Salé que la rareté du spectacle obligeait à quelques frais d’élocution.

En effet, l’acrobate en question, après une série d’exercices plus ou moins gracieux, venait de se « décrocher » et dégringolait dans le vide selon la loi classique de la chute des corps lourds.

Il pénétra dans l’eau sans dignité, c’est-à-dire sur le dos, au risque de se rompre la colonne vertébrale.

Les trois hommes, coururent sur le quai et se rapprochèrent de l’endroit où l’homme venait d’entrer en relation avec l’élément liquide.

― Il n’est pas mort, hurla Krühl, haletant.

En effet, la tête du misérable, dont on ne voyait que les yeux agrandis par l’épouvante venait de sortir de l’eau, pour y rentrer aussitôt.

― Il ne sait pas nager ! beugla Boutron en levant les bras au ciel.

Krühl, d’un geste rapide s’était débarrassé de son veston. Sans hésiter il se jeta à l’eau. On le vit tirer sa coupe et nager sur le côté en soufflant comme un phoque.

Krühl nageait remarquablement, détail dont l’acrobate devait se féliciter en la circonstance. Il eut vite rejoint l’épave humaine qu’il ramena sans ménagement au pied de l’escalier qui aboutissait au quai.

― Aidez-moi, souffla-t-il.

Boutron et Bébé-Salé s’emparèrent de la vic-