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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

breuvage. Il se ranima, aidé dans sa résurrection par Bébé-Salé qui, muni d’une serviette en toile aussi souple que de la tôle de blindage, lui frottait le corps avec résolution.

Sous la double intervention du rhum et de la serviette, Eliasar recouvra l’usage de la parole.

― M. Krühl, balbutia-t-il, je ne sais, je ne sais comment vous remercier, vous m’avez sauvé la…

― Mettons la vie et n’en parlons plus, répondit Krühl en lui serrant la main.

― Encore un coup de tafia ?

Eliasar fit signe qu’il avait assez bu.

― Voilà ce que vous allez faire, mon vieux, dit Krühl subitement plein d’attentions charmantes. Vous êtes trop faible pour revenir ce soir à l’hôtel. Vous allez passer la nuit ici, chez Boutron. Je viendrai demain matin prendre de vos nouvelles. Vos vêtements seront secs et repassés. Je vous apporterai du linge. Ne vous faites pas de bile, plus de peur que de mal. Mais, bouh ! bouh !… peuh ! c’est entre nous, n’est-ce pas, vous avez de la chance dans vos cartes. Vous avez choisi l’heure où il n’y a jamais personne sur le quai pour apprendre à nager. J’ai eu une bonne idée en allant voir mon canot avec Boutron et Bébé-Salé. Sans ce détail, on vous aurait retrouvé demain, enduit de vase et la figure abîmée par les crabes, ce qui est indécent. Mais que diable, pouviez-vous faire, en haut de la falaise ?