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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

noua une serviette à carreaux rouges autour de son cou, se fit une ceinture, avec un châle et passa dans cette ceinture un vieux sabre-baïonnette qui servait à tisonner le feu.

La pipe aux dents, il grimpa avec Eliasar sur ses talons jusqu’à la chambre de Krühl dont la porte était entr’ouverte.

Krühl, les yeux vagues, assis devant son atlas, tournait le dos à la porte.

Les deux hommes entrèrent tout doucement, et Pointe, grossissant sa voix naturellement sonore, chanta lugubrement : « Je suis le capitaine Kid ! »

Krühl se retourna d’un bond, considéra Pointe avec des yeux effarés, puis reprit son assiette.

Il montra la porte derrière laquelle Eliasar s’était déjà effacé.

― Espèce de veau ! gronda-t-il.

Pointe dégringola l’escalier en rigolant. On raconta la scène à Mme Plœdac.

Dans l’intimité, Eliasar se frottait les mains. En présence de Krühl, il affectait le désintéressement le plus absolu.

― Vous me surprenez, mon cher. La fortune vient vous sourire et vous la recevez comme une intruse.