Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/235

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les os, du nouveau venu. La couleur noire du vêtement passait au jaune terne. Il n’en restait que la corde. Trois boutons avaient subsisté sur une rangée de huit. Les pantalons, de toile grise, étaient fortement marqués aux genoux, et s’effrangeaient sous la friction d’un talon qui appartenait à un soulier dépourvu de miséricorde et de cirage. À son cou flottait une cravate aux pointes bicolores, mais déteintes, et qui s’enroulait autour d’un col qui datait de huit jours. Je crois bien qu’il portait aussi un gilet, un gilet de soie obscure, déchiré par espaces et déboutonné.

— Je parie que vous ne me reconnaissez pas, monsieur le Docteur Cubas ? me dit-il.

— Non, je ne vous remets pas…

— Je suis Borba, Quincas Borba.

Je fis un mouvement de recul… Qui me donnera le verbe solennel d’un Bossuet ou d’un Vieira, pour dire une si complète désolation. C’était Quincas Borba, le gracieux enfant d’un autre temps, mon ancien condisciple, si intelligent et de si bonne famille. Quincas Borba ! impossible ! cela ne pouvait être. Je ne pouvais arriver à me persuader que cette misérable