Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/253

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mari l’aimait ? Je lui dis que je n’avais rien contre elle, que j’étais naturellement jaloux de l’autre, qu’il ne m’était pas toujours possible de lui faire bon visage ; que d’ailleurs il dissimulait peut-être, et que le meilleur moyen de couper court aux terreurs et aux dissensions était de mettre à exécution mon idée de la veille.

— J’y ai pensé, me dit-elle. Une petite maison, à nous, solitaire, au fond d’un jardin, dans quelque rue discrète ? L’idée est bonne. Mais est-il nécessaire de fuir ?

Elle dit tout cela d’un ton ingénu et paresseux, et le sourire qui relevait le coin de sa bouche avait la même expression de candeur. Alors, m’éloignant un peu, je répondis :

— C’est toi qui ne m’as jamais aimé.

— Moi ?

— Tu es une égoïste ! Tu préfères me voir souffrir tous les jours. Tu es une égoïste sans nom.

Virgilia se mit à pleurer et pour ne point attirer l’attention, elle enfonçait son mouchoir dans sa bouche et dévorait ses sanglots. Cette explosion de douleur me déconcerta. Si quelqu’un l’entendait, tout était perdu. Je m’inclinai vers